Développement d'un estimateur hybride CPU-GPU pour le transport neutronique : vers une simulation Monte Carlo plus efficace
Des jumeaux numériques intégrant des modèles de simulation Monte Carlo sont en développement pour la conception, l’exploitation et le démantèlement d’installations nucléaires. Ces jumeaux sont capables de prédire des grandeurs physiques telles que les flux de particules, les échauffements gamma/neutrons ou les débits d’équivalent de dose. Cependant, la méthode Monte Carlo présente un inconvénient majeur : un temps de calcul élevé pour obtenir une variance acceptable. Pour améliorer l’efficacité des simulations, l’estimateur eTLE a été développé et intégré au code Monte Carlo TRIPOLI-4®. Comparé à l’estimateur classique TLE (Track Length Estimator), l’eTLE offre une variance théorique plus faible, notamment dans les milieux fortement absorbants, en apportant des contributions au détecteur sans que la particule ne l’atteigne. Cependant, son coût computationnel reste encore élevé, surtout lorsqu’on souhaite évaluer plusieurs détecteurs.
Dans deux thèses récentes, deux variantes ont été développées pour surmonter cette limite. Le Forced Detection eTLE- (Guadagni, EPJ Plus 2021) utilise un échantillonnage préférentiel qui oriente les pseudo-particules vers le détecteur à chaque collision. Il est particulièrement efficace pour les petits détecteurs et les configurations avec blindages modérés, notamment pour les neutrons rapides. Le Split Exponential TLE (Hutinet & Antonsanti, EPJ Web 2024) repose sur une approche GPU asynchrone, externalisant le transport en ligne droite des particules sur processeur graphique. Grâce à un échantillonnage multiple, il maximise l’usage du GPU et permet une exploration plus efficace de l’espace des phases.
La thèse proposée vise à combiner ces deux approches dans un estimateur hybride nommé seTLE-DF. Ce nouvel estimateur pourra être utilisé soit directement, soit pour générer des cartes d’importance sans recourir à des calculs auxiliaires avec des codes déterministes. Sa mise en œuvre nécessitera des développements spécifiques sur GPU, notamment pour optimiser la bibliothèque géométrique et la gestion mémoire dans des géométries complexes.
Ce sujet s’inscrit dans le cadre de l’informatique verte, visant à réduire l’empreinte carbone du calcul haute-performance. Il repose sur une approche hybride CPU-GPU, évitant le portage complet du code Monte Carlo sur GPU. Des solutions telles que l’utilisation du format demi-précision seront envisagées et une évaluation de l’impact énergétique avant et après implémentation sera réalisée. Le futur docteur sera accueilli au sein de l'Institut IRESNE (CEA Cadarache). Il pourra acquérir des compétences solides en simulation neutronique, facilitant son intégration dans les grands organismes de recherche ou les entreprises du secteur nucléaire.
Optimisation géométrique sous contrainte de frontières immergées pour la simulation thermo-hydraulique d'écoulements turbulents en volumes finis
La problématique sous-jacente à ce sujet de thèse concerne la mitigation des conséquences liées à un accident de perte de réfrigérant primaire dans un réacteur à eau pressurisée à boucles. Il est de la plus haute importance de minimiser le débit d’eau sortant de la cuve et de gérer le mieux possible les réserves d’eau froide disponibles pour les injections de sûreté, afin d’empêcher ou de retarder le dénoyage du cœur, sa surchauffe et sa possible dégradation. On envisage pour cela l'utilisation de dispositifs passifs fonctionnant sur le principe des diodes hydrauliques, tels que les limiteurs de débit en cuve ou les accumulateurs avancés. Le sujet de cette thèse est l'optimisation géométrique de ce type de dispositif, décrit par une frontière immergée, afin de maximiser son efficacité de service.
Plusieurs thèses précédentes ont permis l'introduction dans le logiciel TRUST/TrioCFD de la méthode de frontière immergée Penalized Direct Forcing (PDF), sous diverses discrétisations spatiales et pour des régimes laminaires et turbulents. De même, elles ont statué sur les possibilités d'optimisation géométrique déterministe en éléments finis, au cours de la simulation, en s'appuyant sur l'utilisation de la méthode PDF.
Après une étude bibliographique de ce type de méthode, on s'intéressera aux possibilités de sa mise en œuvre pour des écoulements turbulents, en discrétisation volumes finis, à la prise en compte des contraintes et à la comparaison avec des calculs de référence. Cette comparaison sera réalisée sur des configurations académiques et industrielles (accumulateurs et limiteurs de débit).
Le doctorant sera intégré dans une unité de recherche sur les systèmes nucléaires innovants au sein de l'Institut IRESNE (CEA Cadarache). Il développera des compétences en mécanique des fluides et méthodes numériques.
Développement d’un dosimètre basé sur la capture de xénon dans une zéolithe
La dosimétrie en réacteur permet de caractériser le spectre neutronique et déterminer la fluence neutronique reçue pendant une irradiation pour le suivi de la fragilisation des matériaux. Cette technique s’appuie sur l’analyse de la radioactivité de dosimètres irradiés, constitués de métaux purs ou d’alliages de compositions connues dont certains isotopes sont l’objet de réactions d’activation ou de fission.
Il existe de nombreux dosimètres répondant en-dessous de 1 keV ou au-dessus de 2 MeV, quelques-uns entre 1 MeV et 2 MeV, mais le Zr est le seul adapté au domaine énergétique compris entre 1 keV et 1 MeV. En outre, peu de dosimètres répondent avec un seuil proche de 1 MeV.
Dans ce contexte, le Xe présente non seulement une réaction intéressante déjà identifiée entre 1 keV et 1 MeV, mais dispose aussi de deux réactions proches de 1 MeV produisant deux fils ayant des périodes d’une dizaine de jours bien adaptées au cycle d’irradiation du prochain réacteur expérimental à fort flux du CEA, le réacteur Jules Horowitz (RJH).
L’idée maitresse de ce sujet de thèse serait d’utiliser des matériaux adsorbants pour fixer une masse suffisante de Xe dans un volume réduit. Des zéolithes commerciales peuvent à présent piéger jusqu’à 30% en masse de Xe lorsque soumises à seulement 1 bar de Xe à température ambiante.
La thèse consistera à réaliser un dosimètre de Xe piégé sur une zéolithe au CNRS MADIREL (déplacements fréquents à prévoir sur le campus Saint Jérôme à Marseille durant la 1ère année) et une chambre gonflée au Xe via la fabrication sur les ateliers de notre laboratoire. L’irradiation conjointe d’un dosimètre et d’une chambre dans un réacteur tel que CABRI à Cadarache permettra d’évaluer les facteurs d’auto-absorption par la zéolithe des raies gamma émises par les isotopes d’intérêt, vérifier leur mesurabilité par la plate-forme MADERE de notre laboratoire, ainsi que le vieillissement des zéolithes sous forte irradiation neutronique. Le dosimètre sera ensuite testé à plus haut flux, par exemple dans le TRIGA du JSI (déplacement d’une semaine à prévoir en Slovénie), via la collaboration CEA-JSI ininterrompue depuis 2008, afin de qualifier ce dosimètre pour le RJH.
Fort de l’acquisition de compétences dans le domaine de la mesure nucléaire, le futur docteur pourra préparer son intégration professionnelle dans les grands organismes de recherche français et étrangers ou dans des entreprises du nucléaire.
Modélisation du flux critique à l’aide des méthodes de Boltzmann sur réseau : application aux dispositifs expérimentaux du RJH
Les méthodes LBM (Lattice Boltzmann Methods) sont des techniques numériques utilisées pour simuler des phénomènes de transport dans des systèmes complexes. Elles permettent de modéliser le comportement des fluides en termes de particules qui se déplacent sur une grille discrète (un "réseau" ou lattice). Contrairement aux méthodes classiques, qui résolvent directement les équations différentielles des fluides, les méthodes LBM simulent l'évolution des fonctions de distribution des particules de fluide dans un espace discret, en utilisant des règles de propagation et de collision.
Le choix du réseau dans les méthodes LBM est une étape cruciale, car il affecte directement la précision, l'efficacité et la stabilité des simulations. Le réseau détermine la manière dont les particules de fluide interagiront et se déplaceront dans l'espace, ainsi que la façon dont la discrétisation de l'espace et du temps est effectuée.
Les méthodes LBM présentent un parallélisme naturel, car les calculs à chaque point de la grille sont relativement indépendants. Les méthodes LBM par rapport aux méthodes CFD classiques permettent de mieux capturer certains phénomènes complexes (comme les écoulements multiphasiques, turbulents ou en milieux poreux) car elles reposent sur une modélisation mésoscopique du fluide, directement dérivée de la cinétique des particules, plutôt que sur une résolution macroscopique des équations de Navier–Stokes. Cette approche permet une représentation plus fine des interfaces, des effets non linéaires et des interactions locales, souvent difficiles à modéliser correctement avec les méthodes CFD classiques. Les méthodes LBM permettent donc, à moindre coût, de capturer des phénomènes complexes. Des travaux récents ont notamment montré qu'il était possible, avec les LBM, de retrouver la courbe de refroidissement de Nukiyama (ébullition en vase) et, ainsi, de calculer avec précision le flux critique. Ce flux correspond à une ébullition en masse, appelée crise d’ébullition, qui se traduit par une dégradation soudaine du transfert thermique.
Le flux critique représente un enjeu crucial pour les dispositifs expérimentaux (DEX) du Réacteur Jules Horowitz, car ils sont refroidis par de l'eau en convection naturelle (dispositifs de type fuel capsule) ou forcée (dispositifs de type boucle). Ainsi, afin de garantir le bon refroidissement des DEX et la sûreté du réacteur, il convient de s'assurer que, sur la gamme de paramètres étudiés, le flux critique ne soit pas atteint. Il doit donc être déterminé avec précision. Les études précédentes menées sur un DEX de type fuel-capsule à l’aide du code NEPTUNE-CFD (méthodes CFD classique) ont montré que la modélisation est limitée à une région située loin du flux critique. De façon générale, les écoulements à fort taux de vide (supérieurs à 10%) ne peuvent être résolues aisément par les approches classiques de la CFD.
L'étudiant sera amené, dans un premier temps, à définir un réseau pour appliquer les méthodes LBM sur un dispositif du RJH en convection naturelle. Il consolidera les résultats sur le flux critique obtenus sur cette configuration en les comparant aux données disponibles. Enfin, des calculs exploratoires en convection forcée (régime laminaire à turbulent) seront menés.
L’étudiant sera accueilli au sein de l’institut IRESNE.
Modélisation et études dynamiques d’un système électronucléaire spatial pour la propulsion
La technologie nucléaire est clef pour permettre l’installation de bases scientifiques sur la Lune ou sur Mars, ou encore l’exploration de l’espace lointain. Son utilisation peut prendre plusieurs formes (par ex. Radioisotope Thermoelectric Generators, Nuclear Thermal Propulsion) et ce sujet de thèse s’intéresse à la Nuclear Electric Propulsion (NEP) : la chaleur produite par un réacteur nucléaire est convertie en électricité, afin d’alimenter un moteur de propulsion ionique. Différents concepts ont été étudiés par le passé (PROMETHEUS, MEGAHIT et DEMOCRITOS, typiquement pour des missions d’exploration des satellites de Jupiter) tandis qu’actuellement des études de conception sont en cours au CEA pour un système électronucléaire NEP de 100 kWe.
Le système d’intérêt combine plusieurs choix de conception très spécifiques : combustible en nitrure d’uranium, refroidissement direct au gaz (mélange hélium-xénon) et système de conversion d’énergie basé sur un cycle de Brayton, ou encore évacuation de la chaleur fatale par rayonnement thermique. Ces choix répondent à des exigences de masse et d’encombrement à minimiser, et de performance et de fiabilité à assurer pour la durée de la mission scientifique. L’analyse du comportement dynamique du système électronucléaire est donc cruciale pour la réussite du projet. Toutefois, la question de la modélisation transitoire d’un système électronucléaire spatial complet est très peu traitée dans l’état de l’art, et ce particulièrement pour la NEP.
Les objectifs de la thèse sont donc de rechercher et de développer des modélisations physiques adaptées à un système NEP, de proposer une démarche pour leur validation, et enfin de les mettre en œuvre pour analyser le comportement dynamique du réacteur et contribuer à l’amélioration de sa conception. On étudiera notamment plusieurs phases d’une mission : le démarrage du réacteur dans l’espace, les transitoires de variation de puissance fournie au moteur de propulsion ionique, la réponse du réacteur en cas d’avarie, et son arrêt éventuel avec la problématique d’évacuation sûre de la puissance résiduelle.
La thèse sera réalisée à l'Institut IRESNE (CEA Cadarache), dans un environnement scientifique stimulant, et intégrée dans une équipe de conception de réacteurs nucléaires innovants. Le CNES sera aussi impliqué dans le suivi des travaux, notamment pour définir les caractéristiques du moteur de propulsion ionique et les missions d’exploration d’intérêt pour le système électronucléaire. Le sujet de thèse, combinant modélisation, mécanique des fluides, thermodynamique, neutronique et mécanique spatiale, se prêtera à la communication scientifique et permettra de développer des compétences clefs pour une carrière académique ou dans l’industrie.
Modélisation multi-physique d’un réacteur nucléaire à eau légère fonctionnant en convection naturelle : étude de solutions innovantes pour le démarrage et le contrôle en puissance
Plusieurs concepts récents de Small Modular Reactors (SMR) à spectre thermique reposent sur une circulation de l’eau en convection naturelle dans le circuit primaire, en fonctionnement normal et accidentel, pour augmenter la sûreté intrinsèque. L’absence de pompes primaires dans ce genre de SMR complique singulièrement les phases de démarrage et de montée en puissance, ce qui conduit à développer des procédures spécifiques de démarrage pour chauffer l’eau du circuit primaire et permettre au réacteur d’atteindre son état nominal de fonctionnement dans le respect des exigences de sûreté. L’établissement de telles procédures nécessite des simulations au moyen de modèles validés afin de bien comprendre le comportement du réacteur dans ces phases et de délimiter le domaine paramétrique accessible.
L’enjeu de la thèse est de développer un modèle numérique capable de simuler le démarrage et la montée en puissance d’un SMR fonctionnant en convection naturelle et de fournir des éléments de validation du modèle. Le travail de thèse vise aussi à proposer une méthodologie d’optimisation des systèmes de pilotage du réacteur pour permettre un démarrage rapide dans le respect des critères de sûreté.
La problématique du démarrage fait intervenir deux disciplines : la neutronique et la thermohydraulique, ce qui demande la mise en œuvre d’une modélisation multi-physique couplée. En particulier, trois outils de calculs seront couplés lors de la thèse : CATHARE3 (thermohydraulique système), FLICA5 (thermohydraulique cœur), et APOLLO3 (neutronique).
Le doctorant sera positionné au sein d’équipes de neutroniciens et thermohydrauliciens de l'institut IRESNE (CEA Cadarache). Il développera des compétences en physique et modélisation des réacteurs nucléaires.