Spectrométrie et Intelligence Artificielle : développement de modèles IA explicables, sobres et fiables pour l'analyse de matériaux

La découverte de nouveaux matériaux est cruciale pour répondre à de nombreux défis sociétaux actuels. Un des piliers de cette capacité de découverte et de disposer de moyens de caractérisation de ces matériaux qui soient rapides, fiables et dont les incertitudes de mesure soient qualifiées, voire quantifiées.

Ce projet de thèse s’inscrit dans cette démarche et vise à l'exploitation optimale des différentes techniques de spectrométrie induite par faisceaux d'ions (IBA) en utilisant des méthodes d'intelligence artificielle (IA) avancées. Ce projet se donne pour cadre le développement de modèles IA explicables, sobres et fiables pour l'analyse de matériaux.

Le sujet de thèse proposé ici se donne trois objectifs principaux :
- Développer un modèle d'incertitude utilisant des techniques d’apprentissage automatique sur des bases probabilistes pour quantifier les incertitudes associées à une prédiction.
- Du fait du très grand nombre de configurations qu'il est possible de générer par analyse combinatoire, Il convient de bien comprendre la dimensionnalité intrinsèque du problème. Nous souhaitons mettre en place des moyens de réduction massive de dimensionnalité, notamment des méthodes non linéaires telles que les autoencodeurs, ainsi que des concepts de PIML (Physics Informed Machine Learning).
- Évaluer la possibilité de généralisation de cette méthodologie à d’autres techniques spectroscopiques.

Diffusion des rayons X assistée par Intelligence Artificielle : le problème de la représentativité des bases de données synthétiques et de l’indiscernabilité des prédictions.

L’avènement de l’intelligence artificielle rend envisageable l’accélération et la démocratisation du traitement de données de diffusion des rayons X aux petits angles (SAXS), une technique experte de caractérisation de nanomatériaux qui permet de déterminer la surface spécifique, la fraction volumique et les tailles caractéristiques de structures entre 0.5 à 200 nm.

Or, il y a une double problématique autour du SAXS assisté par Intelligence artificielle : 1) la rareté des données impose d’entraîner les modèles sur des données synthétiques, ce qui pose le problème de leur représentativité des données réelles, et 2) les lois de la physique stipulent qu’à une mesure de SAXS peuvent correspondre plusieurs nanostructures candidates, ce qui pose le problème de l’indiscernabilité des prédictions. Cette thèse vise donc à bâtir un modèle d’intelligence artificielle adapté au SAXS entraîné sur des données synthétiques validées expérimentalement, et sur la réponse experte qui pondère la catégorisation des prédictions par leur indiscernabilité.

Photocommutation de fluorescence pour une porte excitonique

Le transfert d'énergie par résonance de type Förster (FRET) permet la diffusion d'excitons entre molécules sur une distance caractéristique de 1 à 10 nm. L'association de plusieurs fluorophores est une solution pour faciliter la diffusion des excitons sur une plus grande distance, en mettant à profit les phénomènes d'homo-FRET et d'hétéro-FRET. La FRET est un aspect fondamental pour le développement de dispositifs à luminescence photocommutable. Au niveau moléculaire, ces systèmes reposent sur l'association de deux composés : une entité luminescente et un composé photochrome. La formation de nano-objets avec des molécules similaires permet de tirer parti des transferts d'énergie multiples qui impactent photochromisme et luminescence. Cependant, ces systèmes sont peu utilisés en logique moléculaire, et commutent entre un état lumineux à un état sombre. Le remplacement de l’état sombre par un autre état émissif permettrait la diffusion de l'exciton sur de plus longues distances et sa détection.

L'objectif du projet FLUOGATE est la préparation et la caractérisation de nanostructures moléculaires luminescentes photocommutables qui se comportent comme une porte excitonique. L'étape initiale est la préparation et l'étude de monocouches 2D photocommutables avec une organisation contrôlée. La combinaison de mesures optiques et par sonde locale permettra la caractérisation de la photocommutation de fluorescence suite au changement structurel à l'échelle de la molécule unique et la détermination du rayon d'inhibition. Ensuite, la préparation et l'étude d'architectures 3D seront réalisées. Des couches du fluorophore donneur seront déposées juste au-dessus du substrat, suivies de couches du composé photochrome et enfin de couches du fluorophore accepteur. Le but ultime consistera à remplacer la couche photochrome par des nanoparticules photochromes dispersées dans une une matrice polymère.

Recyclage chimique de déchets plastiques oxygénés et azotés par des voies de réduction catalytique

Depuis les années 1950, le recours aux plastiques pétrosourcés a créé un monde moderne consumériste basé sur l’utilisation de produits jetables. La production mondiale considérable de déchets plastiques a presque doublé en 20 ans, atteignant aujourd’hui les 468 millions de tonnes par an. Ces déchets plastiques, non biodégradables, engendrent de nombreuses pollutions environnementales (perturbations de la faune et de la flore, pollutions des eaux et des sols, etc.).. A peine 9% de ces déchets ont été recyclés, le reste étant brulé ou stocké en décharges. Les problèmes sanitaires, climatiques et sociétaux inhérents à cette économie linéaire imposent de créer une circularité de ces matières en développant des voies de recyclages efficaces et robustes. Alors que les voies actuelles de recyclage reposent en majorité sur des procédés mécaniques et se restreignent à des gisements particuliers de déchets (e.g. les bouteilles d’eau plastiques), le développement de méthodes chimiques de recyclage semble prometteur pour traiter des déchets dont les filières de recyclage sont inexistantes. De tels procédés chimiques permettent de récupérer la matière carbonée des plastiques pour en régénérer de nouveaux.

Dans cet objectif de circularité de la matière, le projet doctoral vise à développer de nouvelles voies de recyclage chimique de déchets plastiques mixtes oxygénés/azotés tels que les polyuréthanes (mousses d’isolement, matelas, etc.) et les polyamides (fibres textiles, boîtiers disjoncteurs, etc.), dont les filières de recyclage sont quasi inexistantes. Ce projet repose sur une stratégie de dépolymérisation catalytique de ces plastiques, par coupures sélectives des liaisons carbone-oxygène et/ou carbone-azote, pour former les monomères ou leurs dérivés correspondants. Pour ce faire, des systèmes catalytiques mettant en jeu des catalyseurs métalliques couplés à des réducteurs abondants et peu coûteux, comme les alcools et l’acide formique seront développés. L’utilisation du dihydrogène, réducteur industriel, sera également considérée. Dans le but d’optimiser ces systèmes catalytiques, nous chercherons à comprendre leur mode de fonctionnement et les mécanismes impliqués.

Diagnostic précoce du sepsis à l’aide d’une biopuce à base de capteurs GMR

Le sepsis, réponse immunitaire extrême et dérégulée face à une infection qui se propage alors dans le sang, peut entraîner un dysfonctionnement d’organes pouvant conduire à la mort du patient (11 millions de morts dans le monde chaque année). La biopuce brevetée à base de capteurs GMR (Giant MagnetoResistance) que nous avons développée présente un réel potentiel pour une détection précoce des agents pathogènes impliqués dans le sepsis ou des biomarqueurs de la maladie, présents en très faible quantité dans le sang, sans étape de culture. L’approche innovante que nous proposons est transversale car basée sur l’utilisation de nanoparticules magnétiques (NPM), fonctionnalisées par des anticorps monoclonaux produits au laboratoire LERI, dirigés contre les objets biologiques cibles (cellules bactéries levures etc..) qui sont détectées un à un dynamiquement et de manière simultanée par les capteurs GMR disposés de part et d’autre d’un canal microfluidique dans lequel ils circulent. La preuve de concept de cette biopuce a été obtenue sur un modèle de cellules myélomateuses murines. Nous avons pu atteindre une sensibilité et une spécificité avec ce modèle qui rend notre technique très compétitive par rapport aux tests Point-of-Care existants. Il est cependant nécessaire de valider ces résultats sur des agents pathogènes.

Au cours de la thèse, deux objectifs seront définis. Dans la continuité de la thèse actuelle, Le premier objectif de l’étudiant au LNO sera d’adapter la biopuce (capteurs, microfluidique et traitement des signaux) afin qu’elle soit sensible et rapide pour la détection de bactéries et de levures impliqués dans le sepsis dans des échantillons sanguins. Au LERI, il devra optimiser le marquage magnétique des bactéries et des levures dans cette matrice clinique au moyen de NPM commerciales fonctionnalisées par un ou plusieurs anticorps dirigés contre la cible. Cette étape de la thèse se déroulera en étroite collaboration avec le Service de Bactériologie et Hygiène de l’hôpital Béclère (également membre de l’IHU) qui préconisera et fournira des souches de bactéries et levures pertinentes à détecter, ainsi que des échantillons cliniques. Une des biopuces GMR sera installée à l'Hôpital Béclère pour des mesures en conditions réelles. Le second objectif consistera à essayer de quantifier la diminution de l’expression monocytaire des molécules mHLA-DR qui est un indicateur de l’état d’immunosuppression du sepsis associé à un risque infectieux et une mortalité majorés.

Magnons topologiques dans les matériaux quantiques

La topologie est devenue un paradigme essentiel en matière condensée, permettant de classer les phases de la matière selon des propriétés invariantes sous des déformations continues. Les premières recherches dans ce domaine se sont essentiellement concentrées sur les structures de bandes électroniques, conduisant par exemple à la découverte des « isolants topologiques ». Cependant, ces concepts topologiques ne sont pas restreints seulement aux électrons (fermions) et ainsi, l'application de tels concepts aux bosons, en particulier les magnons, suscite un intérêt croissant. Les magnons, qui sont des excitations collectives dans les matériaux magnétiques, illustrent comment la topologie influence la dynamique magnétique et affecte le transport de chaleur et de spin. Des analogues d'isolants topologiques et de semi-métaux apparaissent dans leurs structures de bandes de magnons. Les magnons offrent ainsi une plateforme pour étudier l'interaction entre symétries magnétiques et topologie, examiner l'effet des interactions sur les bandes topologiques, et générer des courants de spin protégés aux interfaces. La recherche de matériaux contenant des magnons topologiques est donc cruciale, surtout pour les applications en magnonique, qui exploitent les ondes de spin pour le stockage et le traitement rapide des données.

Ce projet de thèse se consacre à explorer ces aspects topologiques dans des matériaux quantiques candidats à l’aide de techniques de diffusion de neutrons et de rayons X dans les grandes infrastructures de recherche (ILL, ESRF, SOLEIL), pour analyser la structure de bande des magnons à la recherche de caractéristiques topologiques, comme les points de Dirac ou de Weyl. Les résultats expérimentaux seront soutenus par des calculs théoriques des bandes magnoniques intégrant des concepts topologiques.

Développement d’une plateforme microfluidique bioanalytique pour quantifier la bio distribution cellulaire d’un médicament

Le mode d'action d’un médicament, ainsi que son efficacité, sont corrélés non seulement à sa capacité à s’accumuler au niveau des tissus pathologiques ciblés, à savoir sa bio distribution tissulaire, mais également à atteindre spécifiquement sa cible moléculaire au sein des cellules. Une accumulation non spécifique d’un médicament dans ces cellules peut être à l’origine d’effets non-désirés, par exemple des effets secondaires lors de chimiothérapies. En d’autres termes, évaluer l’efficacité, la spécificité et l’absence de toxicité d’un médicament nécessite de déterminer précisément et de façon quantitative sa bio distribution cellulaire. Devenus incontournable en oncologie, les conjugués anticorps-médicaments (ADC) permettent une thérapie vectorisée afin de cibler préférentiellement au sein d’une tumeur un sous-ensemble de cellules tumorales exprimant l’antigène reconnu par l’anticorps.

Ces ADC ciblent des cellules tumorales spécifiques exprimant un antigène particulier, limitant ainsi la toxicité pour les tissus sains. Le marquage radioactif des médicaments (3H, 14C) est une méthode clé pour quantifier leur accumulation dans les cellules tumorales et non tumorales, afin d’évaluer la précision du ciblage et éviter les effets secondaires indésirables. Cependant, la détection des faibles émissions de tritium nécessite de nouvelles solutions technologiques. Le projet propose le développement d'une plateforme microfluidique innovante permettant de détecter et quantifier ces isotopes dans des cellules uniques. Cette approche permettra de mieux documenter la distribution des ADC dans des tissus hétérogènes et d’affiner les stratégies thérapeutiques.

Génération d’harmoniques d’ordre élevé en cavité comme source quantique attoseconde

La physique attoseconde est à la pointe de la spectroscopie résolue en temps. En effet, elle exploite la sonde d’impulsion lumineuse la plus courte qui puisse être produite expérimentalement, grâce au processus de génération d’harmoniques d’ordre élevé (HHG). Une méthode standard pour déclencher le processus HHG consiste à soumettre un système atomique à un champ électromagnétique oscillant dont la force est comparable au potentiel de Coulomb liant les électrons au noyau. Cet effet optique non linéaire et nonperturbatif produit un rayonnement cohérent avec un spectre très large dans la gamme de fréquences de l’extrême ultraviolet (XUV), qui forme des impulsions attosecondes (1e-18 s). Depuis sa découverte à la fin des années 1980, des efforts expérimentaux et théoriques continus ont été consacrés à la compréhension complète de ce phénomène complexe. Malgré l’immense succès de la science attoseconde, il n’y a toujours pas de consensus sur une description quantique du processus. Nous pensons qu’une telle description de la HHG ferait progresser notre compréhension de l’optique non linéaire et ouvrirait de nouvelles perspectives pour la science attoseconde.

Etude théorique des propriétés physiques et optiques de certaines surfaces d’oxyde de titane pour des applications de détection de gaz à effets de serre

La communauté internationale est engagée dans l’élaboration de la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier de dioxyde de carbone (CO2), afin de réduire les risques associés au réchauffement climatique. Par conséquent, il est très important de trouver des processus à faible coût pour dissocier puis capturer le dioxyde de carbone (CO2), ainsi que de développer des capteurs à faible puissance et haute performance adaptés à la surveillance des réductions de GES. Une méthode courante et existante pour détecter la concentration de gaz est obtenue en utilisant des surfaces d’oxydes métalliques semi-conducteurs (MOS) comme SnO2, ZnO et TiO2. En outre, une voie pour réaliser la dissociation de CO2 est la décomposition catalytique assistée par plasma. Cependant, les défauts de surface, et en particulier les lacunes en oxygène et les charges qui y sont piégées, jouent un rôle important dans la (photo)réactivité du MOS. La façon dont les propriétés optiques des surfaces sont modifiées par de tels défauts n’est pas complètement comprise, ni l’effet supplémentaire de la présence du gaz. Dans certains modèles, l’importance du transfert de charge est également soulignée.

Dans ce travail de doctorat, des méthodes théoriques seront utilisées pour modéliser la surface avec des défauts et prédire les propriétés optiques. L’objectif est triple : Appliquer les cadres théoriques développés à LSI pour l’étude des défauts afin de prédire les états de charge de défaut en vrac; Étudier l’effet de la surface sur la stabilité du défaut; Étudier les propriétés optiques de masse et de surface, et découvrir les empreintes spectroscopiques de l’absorption moléculaire et de la dissociation près de la surface. Les matériaux et les gaz considérés sont des oxydes comme l’oxyde de titane, qui finissent par se déposer sur une couche d’or et du dioxyde de carbone. La méthode théorique sera la méthode de la théorie des perturbations fonctionnelles de la densité dépendante du temps (TDDFPT) développée à LSI en collaboration avec SISSA, Trieste (Italie).

Ref.: I. Timrov, N. Vast, R. Gebauer, S. Baroni, Computer Physics Communications 196, 460 (2015).

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