Modélisation multi-échelles de la diffusion de l’hydrogène dans un polycristal de nickel

Dans de nombreuses applications, des matériaux de structure métalliques sont en contact avec de l’hydrogène qui va pénétrer dans le métal, dégrader ses propriétés mécaniques, et parfois conduire à la rupture du matériau. Les mécanismes de fragilisation par l’hydrogène ont été très étudiés par le passé. Néanmoins, il n’existe toujours pas de modèle prédictif quantitatif de ces phénomènes. Cette thèse s’intéresse à la ségrégation de l’hydrogène aux joints de grains qui est un des mécanismes de fragilisation observé. L’objectif est de modéliser la cinétique de ségrégation en partant de l’échelle atomique, ce qui implique donc de trouver les structures d’équilibre des joints de grains, d’identifier les sites de ségrégation pour chaque joint de grain, et de quantifier l’effet d’un joint de grain sur le coefficient de diffusion de l’hydrogène. Ces données alimenteront ensuite un modèle en élément finis qui permettra de calculer la répartition de l’hydrogène au cours du temps, en prenant en compte la microstructure polycristalline de l’échantillon et les propriétés spécifiques à chaque joint de grain. Ces résultats seront comparés à des expériences de perméation d’hydrogène qui donnent accès à un coefficient de diffusion moyen, ainsi qu’à des mesures localisées sur un joint de grain particulier (méthodes PANI et SKPFM)

Etude à l’échelle atomique de la mobilité des dislocations dans le combustible MOX

La transition vers la neutralité carbone exige une augmentation rapide des énergies décarbonées, dont le nucléaire, qui nécessite une compréhension approfondie des matériaux irradiés. Le combustible à oxyde mixte (MOX) est particulièrement important, car il optimise l'utilisation des ressources nucléaires et réduit les déchets radioactifs. Le comportement mécanique du MOX sous irradiation est crucial pour garantir l’intégrité du combustible dans diverses conditions de fonctionnement.

L’objectif de la thèse est de réaliser des simulations atomistiques afin de comprendre la mobilité des dislocations, essentielle pour soutenir la modélisation multiéchelle du comportement mécanique du MOX. Des calculs de dynamique moléculaire permettront d'analyser la mobilité des dislocations en fonction de diverses conditions de température, de contraintes, de teneur en plutonium et de déviations à la stœchiométrie, avec pour but d’établir des lois de vitesse. Les résultats de ces simulations amélioreront la modélisation micromécanique dans la plateforme de simulation PLEIADES du CEA, dédiée à la simulation du cycle de vie complet du combustible nucléaire, de sa fabrication jusqu'à l’entreposage.

Le doctorant sera accueilli au Laboratoire de Modélisation du Comportement des Combustibles (Institut IRESNE, CEA-Cadarache), un environnement dynamique composé de 11 chercheurs et d'un nombre équivalent de doctorants. Situé en Provence, ce centre offre un cadre de travail agréable, entre les parcs naturels du Verdon et du Lubéron. La thèse se fera en collaboration avec l'IM2NP, un laboratoire à la pointe de la recherche en physique des matériaux.

Le candidat doit avoir de solides bases en physique des matériaux, idéalement en mécanique aux petites échelles. Ces compétences pourront être renforcées durant un stage de M2 au sein du laboratoire. Le doctorant valorisera son travail à travers des publications scientifiques et des présentations en conférences internationales, ouvrant ainsi des opportunités dans les domaines de la recherche et de l'industrie.

Structure et mobilité des agrégats et boucles d'interstitiels dans l'oxyde d'uranium

L’oxyde d’uranium (UO2) est le combustible usuel des centrales nucléaires à fission. A ce titre son comportement sous irradiation est très étudié. L’irradiation crée des défauts lacunaires ou interstitiels qui vont piloter l’évolution de la microstructure du matériau qui elle-même va impacter ses propriétés physiques (par exemple sa conductivité thermique) et mécaniques. Les agrégats d’interstitiels en particulier jouent un rôle prépondérant.
D’une part, aux plus petites tailles, la diffusion des interstitiels dans UO2 est encore assez mal comprise. En effet, expérimentalement, on observe l’apparition de boucles de dislocations constituées d’interstitiels de tailles pouvant atteindre la dizaine de nanomètres. A l’inverse on n’observe pas de cavités et les défauts lacunaires restent de tailles subnanométriques. Cela dénote une diffusion plus rapide des interstitiels que des lacunes, la diffusion permettant l’agglomération des interstitiels et la formation de boucles. Pourtant les calculs à l’échelle atomique ne montrent pas de différence majeure entre les coefficients de diffusion des lacunes et des interstitiels dans UO2. Une hypothèse pour expliquer cette contradiction apparente est que ce seraient les agrégats d’interstitiels qui diffuseraient rapidement (Garmon, Liu et al. 2023).
D’autre part, on s’attend à ce que les agrégats d’interstitiels tridimensionnels soient les germes des boucles de dislocations observées en microscopie électronique à transmission dans l’oxyde d’uranium irradié. Mais les mécanismes de transformations des agrégats en boucles et de changement de nature de boucles restent incompris dans l’oxyde d’uranium. Ces mécanismes ont très récemment été élucidée pour des métaux cubique à face centré (Jourdan, Goryaeva et al. 2024). Il est possible que des mécanismes comparables soient à l’œuvre dans UO2 avec la complication induite par l’existence deux sous-réseaux.
Nous proposons donc d’étudier par simulations à l’échelle atomique les agrégats d’interstitiels dans UO2.
On abordera d’abord la structure de ces agrégats subnanométriques tridimensionnels. Pour ce faire nous utiliserons les outils de classification des structures de défauts par intelligence artificielle mises au point au laboratoire (Goryaeva, Lapointe et al. 2020). On étudiera la diffusion de ces objets, par dynamique moléculaire et par recherche automatique de cols de migration à l’aide d’outils de type kinetic-ART (Béland, Brommer et al. 2011). Dans un deuxième temps, on étudiera la stabilité relative des agrégats 3D et des boucles de dislocations fautées et parfaites et les transformations entre ces différents objets.
Cette étude devra reposer sur des potentiels d’interaction interatomiques. On commencera par utiliser les potentiels empiriques disponibles dans la littérature avant nous tourner vers les potentiels de type Machine Learning (Dubois, Tranchida et al. 2024) en développement au Département d’Etudes du Combustibles du CEA Cadarache.

Béland, L. K., et al. (2011). "Kinetic activation-relaxation technique." Physical Review E 84(4): 046704.

Chartier, A., et al. (2016). "Early stages of irradiation induced dislocations in urania." Applied Physics Letters 109(18).

Dubois, E. T., et al. (2024). "Atomistic simulations of nuclear fuel UO2 with machine learning interatomic potentials." Physical Review Materials 8(2).

Garmon, A., et al. (2023). "Diffusion of small anti-Schottky clusters in UO2." Journal of Nuclear Materials 585: 154630.

Goryaeva, A. M., et al. (2020). "Reinforcing materials modelling by encoding the structures of defects in crystalline solids into distortion scores." Nature Communications 11(1).

Jourdan, T., et al. (2024). "Preferential Nucleation of Dislocation Loops under Stress Explained by A15 Frank-Kasper Nanophases in Aluminum." Physical Review Letters 132(22).

Compréhension des mécanismes de piégeage de l’hélium dans des nouvelles nuances d’alliages base nickel développées pour les réacteurs à sel fondu

Les alliages base nickel sont les matériaux de structure naturels envisagés pour les Réacteurs à Sel Fondu (RSF). Ils présentent d’excellentes caractéristiques mécaniques et une bonne résistance à la corrosion. Dans ces matériaux, la production d’hélium, principalement causée par la transmutation du nickel par les neutrons rapides peut atteindre des teneurs suffisantes pour fragiliser fortement le matériau ou provoquer son gonflement sous irradiation. L’hélium est très peu soluble dans le matériau et condense sous forme de bulles ou ségrége aux joints de grains. Pour limiter ces phénomènes et réussir à piéger l’hélium, une solution consiste à introduire dans le matériau qui sera irradié, une densité importante de nano-précipités dont les interfaces serviront de site de germination pour des bulles nanométriques à même de piéger l’hélium « sur place » pour empêcher ce dernier de migrer vers les joints de grains et de dégrader les performances du matériau. Il s'agira d'étudier par microscopie électronique en transmission corrigée la cinétique de précipitation des phases thermodynamiquement attendue ainsi que la structure atomique des interfaces formées entre les précipités et la matrice. Une simulation de la précipitation par champ de phase sera également envisagée. Enfin, les mécanismes de piégeage de l'He aux interfaces sera étudié à l'aide de la spectroscopie de perte d'énergie des électrons (EELS).

Simulation atomistique de la rupture de verres borosilicatés hétérogènes

Les verres borosilicatés hétérogènes contiennent des précipités cristallins ou amorphes qui forment des phases secondaires incrustées dans la matrice vitreuse. Ces matériaux sont appréciés pour leur résistance élevée au choc thermique et leur excellente durabilité chimique, les rendant idéaux pour diverses applications telles que les ustensiles de cuisine et le matériel de laboratoire. En particulier, dans l'industrie nucléaire, de nombreuses matrices vitreuses de conditionnement de déchets radioactifs contiennent des précipités en raison de la présence d'éléments peu solubles.

Il a été démontré que des phases secondaires peuvent affecter considérablement les propriétés mécaniques, en particulier la résistance à la fracture. Cependant, les mécanismes spécifiques liés à ce phénomène à l'échelle atomique restent mal expliqués. En particulier, il est crucial de comprendre l'effet de la nature de ces phases (cristallines ou amorphes) et de leur interface avec la matrice vitreuse.

L'objectif principal de ce projet est d'étudier les mécanismes spécifiques par lesquels les précipités influencent les propriétés mécaniques à l'échelle atomique. Il vise également à comprendre comment ces précipités affectent la propagation de fissures. Pour cela, des outils de modélisation numérique basés sur la dynamique moléculaire seront utilisés. Cette technique simule le comportement individuel des atomes au fil du temps sous différentes conditions de test. Ainsi, elle permet d'examiner la structure locale des pointes de fissure et leur interaction avec les précipités à l'échelle atomique, fournissant des informations précieuses sur les mécanismes sous-jacents de résistance aux fissures dans les verres hétérogènes.

Effet de la microstructure et de l’irradiation sur la sensibilité à la fissuration intergranulaire de l’alliage 718 en milieu REP.

L’alliage 718, alliage à base nickel, est utilisé dans les assemblages combustibles des réacteurs à eau pressurisée (REP). Ces composants sont soumis en service à des sollicitations mécaniques élevées, à l’irradiation neutronique et à une exposition au milieu primaire. Classiquement, cet alliage montre une très bonne résistance à la fissuration intergranulaire. Toutefois, il existe des conditions de microstructure et/ ou d’irradiations qui, en modifiant les propriétés mécaniques et les mécanismes de plasticité, rendent le matériau sensible à la fissuration intergranulaire en milieu primaire REP.

Dans ce cadre, l’objectif de cette thèse sera d’étudier l’influence de la microstructure (via différents traitements thermiques) et de l’irradiation sur la localisation de la déformation et sur la sensibilité à la fissuration intergranulaire en milieu primaire REP.

Dans cet objectif, deux nuances, l’une réputée sensible et l’autre non, seront testées. Des essais de traction in-situ MEB sur des échantillons dont la microstructure aura été préalablement caractérisée par EBSD seront réalisés afin d’identifier les types de localisation de la déformation intra et intergranulaire et leur évolution. L’état non irradié sera caractérisé et sera l’état de référence. Par ailleurs, des essais d’exposition et de fissuration intergranulaire en milieu primaire (coupons, traction lente, etc…) seront réalisés sur les deux nuances et à différents niveaux d’irradiation. La microstructure ainsi que l’oxydation de surface et intergranulaire des éprouvettes seront caractérisées par différentes techniques de microscopie (MEB, EBSD, FIB et microscopie électronique en transmission).

Cette thèse constitue pour le candidat l’occasion de traiter une problématique de durabilité de matériaux métalliques dans leur environnement suivant une démarche scientifique pluridisciplinaire alliant métallurgie, mécanique et physico-chimie et reposant sur la mise en œuvre de techniques de pointe variées disponibles au CEA. Les compétences qu’il sera ainsi amené à acquérir pourront donc être valorisées lors de la suite de sa carrière dans le monde industriel (y compris hors nucléaire) ou académique.

Etude théorique des propriétés physiques et optiques de certaines surfaces d’oxyde de titane pour des applications de détection de gaz à effets de serre

La communauté internationale est engagée dans l’élaboration de la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), en particulier de dioxyde de carbone (CO2), afin de réduire les risques associés au réchauffement climatique. Par conséquent, il est très important de trouver des processus à faible coût pour dissocier puis capturer le dioxyde de carbone (CO2), ainsi que de développer des capteurs à faible puissance et haute performance adaptés à la surveillance des réductions de GES. Une méthode courante et existante pour détecter la concentration de gaz est obtenue en utilisant des surfaces d’oxydes métalliques semi-conducteurs (MOS) comme SnO2, ZnO et TiO2. En outre, une voie pour réaliser la dissociation de CO2 est la décomposition catalytique assistée par plasma. Cependant, les défauts de surface, et en particulier les lacunes en oxygène et les charges qui y sont piégées, jouent un rôle important dans la (photo)réactivité du MOS. La façon dont les propriétés optiques des surfaces sont modifiées par de tels défauts n’est pas complètement comprise, ni l’effet supplémentaire de la présence du gaz. Dans certains modèles, l’importance du transfert de charge est également soulignée.

Dans ce travail de doctorat, des méthodes théoriques seront utilisées pour modéliser la surface avec des défauts et prédire les propriétés optiques. L’objectif est triple : Appliquer les cadres théoriques développés à LSI pour l’étude des défauts afin de prédire les états de charge de défaut en vrac; Étudier l’effet de la surface sur la stabilité du défaut; Étudier les propriétés optiques de masse et de surface, et découvrir les empreintes spectroscopiques de l’absorption moléculaire et de la dissociation près de la surface. Les matériaux et les gaz considérés sont des oxydes comme l’oxyde de titane, qui finissent par se déposer sur une couche d’or et du dioxyde de carbone. La méthode théorique sera la méthode de la théorie des perturbations fonctionnelles de la densité dépendante du temps (TDDFPT) développée à LSI en collaboration avec SISSA, Trieste (Italie).

Ref.: I. Timrov, N. Vast, R. Gebauer, S. Baroni, Computer Physics Communications 196, 460 (2015).

Modélisation multiphysique du comportement des gaz de fission dans la microstructure des combustibles nucléaires

Face à l’urgence climatique, l'accélération de la transition vers des technologies décarbonées est impérative, ce qui implique entre autre le développement de matériaux plus performants pour la production et le stockage de l’électricité. Cela inclut l’innovation dans le domaine des combustibles au cœur du fonctionnement des réacteurs nucléaires. La compréhension et la prédiction de leur comportement sont nécessaires pour améliorer la sécurité et l’efficacité du parc nucléaire actuel et futur.

Un aspect clé concerne les gaz de fission générés lors des réactions de fission. Ces atomes de gaz, peu solubles, forment des bulles nanométriques puis micrométriques qui grossissent pendant l'exploitation du combustible, affectant significativement les propriétés macroscopiques. La simulation numérique, complémentaire à la caractérisation expérimentale, permet de modéliser la formation et l'évolution de ces bulles, ainsi que de prédire l'évolution des propriétés. Cette approche facilite la conception de nouveaux types de combustible aux performances accrues.

L’objectif de cette thèse est de contribuer au développement et à l’amélioration des modèles de simulation du comportement des gaz de fission dans la microstructure polycristalline des combustibles nucléaires, notamment l’oxyde d’uranium. Le/la doctorant·e devra définir un modèle physique basé sur la méthode du champ de phase, calculer les paramètres d’entrée et réaliser des simulations numériques reproduisant des expériences d’irradiation menées au sein de notre département. Ces travaux permettront d’approfondir notre compréhension des phénomènes physiques sous-jacent au comportement du gaz (formation de bulles, relâchement et gonflement engendré) grâce à la comparaison directe entre les résultats des simulations et les mesures expérimentales. Ce projet constituera également la validation expérimentale du code de calcul scientifique INFERNO qui sera utilisé pour ces simulations sur les supercalculateurs du réseau national.

La thèse se déroulera au Département d’Étude des Combustibles (DEC) de l’institut IRESNE (CEA-Cadarache), dans un cadre collaboratif impliquant des experts en modélisation et en caractérisation expérimentale du CEA. Le/la doctorant·e sera amené·e à disséminer les résultats de ses recherches via des publications scientifiques et à participer à des congrès internationaux. Au cours de la thèse, il/elle développera une expertise approfondie en modélisation multiphysique, simulations numériques et informatique. Ces compétences seront aisément valorisables pour une carrière dans la recherche académique, dans la R&D industrielle, ou l’ingénierie des matériaux.

Références :
https://doi.org/10.1063/5.0105072
https://doi.org/10.1016/j.commatsci.2019.01.019

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