Étude de la fission de l’uranium-235 induite par des neutrons de 0.5 à 40 MeV à NFS-SPIRAL2 avec le spectromètre FALSTAFF et le code FIFRELIN

Le projet présenté ici a un objectif double. Il s’agira pour notre équipe de réaliser (étalonnage, montage, prise et analyse des données) une première expériénce avec le détecteur FALSTAFF dans sa configuration à deux bras de détection. Une telle géométrie permettra la mesure en coïncidence des deux fragments émis par la fission déclenché par des neutrons rapides (entre 0,5 et 40 MeV environ sur la ligne de neutrons de SPIRAL2-NFS). L’utilisation de la cinématique directe permet de contrôler évènement par évènement la réaction détectée, notamment l’énergie d’excitation du noyau qui fissionne par la détermination de l’énergie cinétique du neutron incident.
Pour cette première expérience, nous employerons une cible de 235U, dont la fission dans les réacteurs nucléaires est au coeur de leur principe de production d’énergie. Ainsi, une compréhension extrêmement détaillée de la fission de ce noyau déclenchée par les neutrons est indispensable. Cette mesure complète qui inclura non seulement l’identification des deux fragments de fission mais également la détermination de leur cinématique sera pratiquement une première scientifique dans la méthode de la cinématique directe où le faisceau de neutrons et dirigé sur la cible d’uranium. Pour permettre cette expérience, recommandée par le comité du GANIL et qui se fera en 2026, nous avons fait évoluer le spectromètre FALSTAFF améliorer ses performances de détection, notamment grâce au financement que la région Normandie nous a octroyé. Ce travail expérimental se complètera d’un travail détaillé sur un modèle théorique de la fission développé par nos collaborateurs du CEA-Cadarache auquel nos données avec FALSTAFF serviront de point de comparaison précis. Le test de ce modèle sur des données aussi complètes que celles de FALSTAFF n’a encore pas été réalisé.

Estimation du bruit neutronique stochastique à l’aide d’une approche numérique de simulation d’événements rares. Application au suivi de la réactivité de systèmes nucléaires.

Ce sujet de thèse vise à développer une méthode innovante permettant de caractériser la réactivité de systèmes fissiles à partir de l’analyse de leurs fluctuations stochastiques (bruit neutronique à zéro puissance). Dans un milieu fissile sous-critique, les neutrons issus de fissions spontanées peuvent initier des réactions en chaîne plus ou moins courtes et aléatoires, générant un signal fluctuant. Ce bruit porte une information essentielle sur la distance du système étudié à la criticité, paramètre déterminant pour la sûreté des installations nucléaires (prévention de différents accidents de sûreté-criticité) et pour la détection de matières fissiles non déclarées (sécurité et non-prolifération de matières nucléaires).

Les approches théoriques existantes pour déduire la réactivité d'un système à partir du bruit neutronique sont en effet limitées aux situations idéalisées et deviennent inadaptées dans des configurations réalistes, en particulier lorsque le système est fortement sous critique ou lorsqu’il existe des incertitudes fortes sur sa géométrie ou sa composition (cas des coriums de Fukushima Daiichi ou du stockage de combustibles irradiés). Recourir à des simulations Monte Carlo constitue alors une alternative naturelle, mais ces simulations nécessitent la mise en oeuvre de méthodes de réduction de variance qui ne peuvent préserver correctement les fluctuations stochastiques.

La thèse propose d’adresser ce verrou scientifique en adaptant une méthode de réduction de variance relativement récente dite Adaptive Multilevel Splitting (AMS), utilisée pour explorer efficacement des événements rares tout en conservant leurs propriétés statistiques. L’objectif est d’étendre cette méthode au cas du transport neutronique dans des milieux reproducteurs et d’en faire un outil capable de simuler fidèlement les corrélations temporelles caractéristiques du bruit neutronique. Après développement théorique, l’algorithme sera implémenté dans Geant4, puis comparé à des solutions analytiques et validé expérimentalement via des mesures in situ (utilisant des sources de neutron ou auprès de réacteur). À terme, ce travail pourra ouvrir sur des applications directes en surveillance nucléaire, diagnostic de sûreté et physique des détecteurs, mais présente également des perspectives en physique fondamentale et en physique médicale.

Forme exotique du noyau : spectroscopie d'actinides déficients en neutrons avec le détecteur SEASON

La question de la limite de stabilité des noyaux, tant en terme d'asymétrie protons/neutrons qu'en terme de masse, est une question importante de la physique nucléaire moderne. Dans la région des noyaux lourds, les actinides déficients en neutrons présentent un intérêt particulier. En effet, de fortes déformations octupolaires, donnant au noyau une forme de poire, sont prédites et ont même été déjà observées dans certains noyaux. Ces déformations semblent jouer un rôle important sur la stabilité des noyaux, sur les modes de désintégration accessibles, voire sur des effets liés à la physique au-delà du modèle standard. L'objectif de cette thèse est de continuer l'étude systématique de ces déformations en mettant à profit le tout nouveau détecteur SEASON, dont la première expérience aura lieu en février 2026 à l'université de Jyväskylä en Finlande. La thèse sera principalement centrée sur l'analyse des données d'une expérience qui fera partie de la campagne réalisée à l'été 2026 à Jyväskylä. Plusieurs expériences sont envisagées en utilisant des réactions de fusion-évaporation avec différents couples faisceau/cible. Les actinides ainsi produits seront envoyés dans le détecteur SEASON où leur spectroscopie de décroissance aura lieu. En fonction de l'évolution des plannings, une autre campagne de mesures pourra être envisagée au cours de l'année 2027. Le retour de l'instrument en France pour être installé auprès du spectromètre S3 à GANIL (Caen) pourrait également avoir lieu au cours de la thèse.
La thèse pourra être codirigée avec l'Université de Jyväskylä.

Surveillance du risque de criticité par bruit neutronique dans les milieux nucléaires dégradés

Notre équipe au CEA/Irfu étudie avec l’ASNR la possibilité d’utiliser la mesure du bruit neutronique, c’est-à-dire les variations stochastiques du flux de neutrons, pour estimer la réactivité des systèmes nucléaires sous critiques. L’objectif est de proposer cette technique pour mesurer en ligne la réactivité du corium de Fukushima Daiichi lors des futures opérations de démantèlement. Le travail de la thèse portera sur l’évaluation d’une solution basée sur des détecteurs de neutrons développés par l’IRFU, de type Micromegas (les détecteurs nBLM), adaptés aux radiations gamma extrêmes attendues à proximité du corium de Fukushima Daiichi. L’étudiant(e) participera à des expériences sur des installations nucléaires de recherche en Europe et aux Etats-Unis pour tester cette solution technique et mesurer le bruit neutronique pour une large gamme de réactivités. Il/elle sera en charge de l’analyse des données et de l’évaluation des différentes méthodes d’inversion permettant d’estimer la réactivité à partir des mesures du bruit neutronique.

Mesure des excitations dipolaires de basse énergie par diffusion inélastique de neutrons

La résonance dipolaire pygmée est un mode de vibration observé dans les noyaux riches en neutrons et qui a initialement été décrit comme l'oscillation d'une peau de neutrons contre un cœur symétrique en termes de nombre de protons et de neutrons. Mais des études expérimentales ont révélé une structure plus complexe. Il y a quelques années, nous avons proposé de tirer parti du flux de neutrons à haute intensité de SPIRAL2-NFS pour étudier la résonance pygmée avec une approche originale : la diffusion inélastique de neutrons. Suite au succès de la première expérience menée en 2022, nous proposons de poursuivre notre programme dans une nouvelle région de la carte des noyaux. L'objectif de la thèse est d'étudier la résonance dipolaire pygmée dans le 88Sr par diffusion inélastique de neutrons. La thèse consistera en : i) la participation à l'expérience, ii) l'analyse des données, et iii) l'interprétation des résultats en collaboration avec des théoriciens.

Développement du détecteur Micromegas CyMBaL et étude de la saturation des gluons pour le futur Electron-Ion Collider

Le futur collisionneur Electron-Ion (EIC), qui sera construit au Brookhaven National Laboratory (NY, USA), est une installation de nouvelle génération conçue pour explorer la structure interne des protons et des noyaux avec une précision sans précédent. Il explorera comment les quarks et les gluons génèrent la masse, le spin et la structure de la matière visible, et étudiera l’augmentation de la densité de gluons à faible Bjorken-x. Pour atteindre ces ambitieux objectifs scientifiques, des détecteurs innovants sont en cours de développement, notamment le système Micromegas CyMBaL, un traceur gazeux destiné à la région centrale du premier appareil expérimental EIC, ePIC.

Ce projet de thèse combine une R&D expérimentale sur les détecteurs gazeux et des simulations physiques en couvrant les points suivants :

* Caractérisation des prototypes : construction et tests des détecteurs Micromegas à grande échelle ; mesure de l’efficacité, l’uniformité du gain et la résolution spatiale en laboratoire et en faisceau. Tests et validation des prototypes avec le nouvel ASIC SALSA, développé au CEA pour les détecteurs gazeux de l’expérience ePIC.

* Simulations du détecteur : intégrer la géométrie CyMBaL dans le framework de l’EIC et évaluer l’efficacité globale de trajectographie afin de s'assurer que les exigences de performances du détecteur sont respectées.

* Simulations de physiques : simuler des processus clés sensibles à la saturation des gluons (par ex. corrélations di-hadrons dans l’état final) afin de mieux comprendre la QCD à faible-x et d’évaluer l’impact des performances du détecteur sur la sensibilité de ces observables.

Le doctorant aura l’opportunité de participer au développement de détecteurs gazeux de pointe et de travailler au sein d’une communauté internationale de physiciens hadroniques sur des sujets à la frontière du domaine, avec des déplacements au Brookhaven National Laboratory (NY, USA) et des campagnes de tests en faisceau auprès d'accélérateurs.

RECHERCHE DE LA DÉSINTÉGRATION NUCLÉAIRE EN DEUX PHOTONS

La désintégration nucléaire à deux photons, ou double-gamma, est un mode de désintégration très rare dans les noyaux atomiques, par lequel un noyau dans un état excité émet deux rayons gamma simultanément. Ce processus électromagnétique de deuxième ordre, bien connu en physique atomique, n'a été que peu étudié pour le noyau atomique en raison des effets de premier ordre largement prédominants. Les noyaux pairs avec un premier état excité 0+ sont des cas favorables à la recherche d'une branche de désintégration double-gamma, puisque l'émission d'un seul rayon gamma est strictement interdite pour les transitions 0+ to 0+ en raison de la conservation du moment angulaire. La désintégration double-gamma reste encore une branche de désintégration très petite (<1E-4) en compétition avec les modes de désintégration dominants (de premier ordre) des électrons de conversion interne atomique (ICE) ou de la création de paires internes positron-électron (e+-e-) (IPC).

Le projet de thèse comporte deux parties expérimentales distinctes: Premièrement, nous stockons des ions nus (entièrement épluchés) dans leur état excité 0+ dans l'anneau de stockage d'ions lourds (ESR) au GSI pour rechercher la désintégration double-gamma dans plusieurs nucléides. Pour les atomes neutres, l'état excité 0+ est un état isomérique à durée de vie plutôt courte, de l'ordre de quelques dizaines à quelques centaines de nanosecondes. Cependant, aux énergies relativistes disponibles au GSI, tous les ions sont entièrement épluchés de leurs électrons atomiques et la désintégration par émission ICE n'est donc pas possible. Si l'état d'intérêt est situé en dessous du seuil de création de paires, le processus IPC n'est pas non plus possible. Par conséquent, les noyaux nus sont piégés dans un état isomérique à longue durée de vie, qui ne peut se désintégrer que par émission double-gamma vers l'état fondamental. La désintégration des isomères est identifiée par la spectroscopie de masse Schottky résolue dans le temps. Cette méthode permet de distinguer l'isomère et l'état fondamental par leur temps de révolution (très légèrement) différent dans l'ESR, et d'observer la disparition du pic de l'isomère dans le spectre de masse avec un temps de décroissance caractéristique. Des expériences établissant la désintégration double-gamma dans plusieurs nucléides (72Ge, 98Mo, 98Zr) ont déjà été réalisées avec succès et une nouvelle expérience sur le nucleide 194Pb a été acceptée par le comité de programme du GSI et sa réalisation est planifie en 2027.

La deuxième partie concerne l'observation directe des photons émis à l'aide de la spectroscopie des rayons gamma. Alors que les expériences sur les anneaux de stockage permettent de mesurer la durée de vie partielle de la double désintégration gamma, des informations supplémentaires sur les propriétés nucléaires ne peuvent être obtenues qu'en mesurant les photons eux-mêmes. Une expérience test a été réalisée pour étudier sa faisabilité et les plans d'une étude plus détaillée devraient être élaborés dans le cadre du projet de doctorat.

Apport de l'intelligence artificielle à l'étude de la fission

La fission nucléaire est un processus extrême au cours duquel un noyau lourd se déforme jusqu'à atteindre un point de non retour conduisant à sa séparation en deux fragments. Le processus s'accompagne d'un relâchement important d'énergie, principalement sous forme d'énergie cinétique des fragments nouvellement formés, mais aussi d'énergie d'excitation (typiquement une quinzaine de MeV par fragment). Par ailleurs, les fragments sont aussi produits avec un moment angulaire élevé. C'est par le biais de l'émission de neutrons et de photons que les fragments de fission évacuent leur énergie d'excitation et moment angulaire. L'expérience ultime en fission consisterait à identifier en masse et charge chaque fragment; mesurer leur énergie cinétique; et caractériser en énergie et multiplicité les neutrons et photons qu'ils émettent. Ce jeu de données permettrait en effet d'accéder à l'énergétique globale du processus de fission et à caractériser complètement la désexcitation des fragments. De part la complexité importante d'une telle mesure exclusive, ce jeu de données est toujours manquant.

Notre équipe s'oriente vers de telles mesures et ce travail de thèse vise à explorer les bénéfices que peuvent apporter les techniques de machine learning dans cette optique.
La thèse consistera à tirer partie de l'ensemble des données multi-corrélées accessibles expérimentalement afin d'alimenter des algorithmes de machine learning dont le but sera d'identifier les fragments de fission et de déterminer leurs propriétés.
Les techniques développées seront appliquées à un premier jeu de données utilisant une double chambre d'ionisation pour la détection des fragments de fission couplée à un ensemble de détecteur neutrons. Les données seront acquises en début de doctorat.
Dans un second temps, une étude plus exploratoire consistera à appliquer les mêmes techniques à des données obtenues durant le doctorat en utilisant une chambre à projection temporelle comme détecteur de fragments de fission. Il s'agira de démontrer que la résolution en énergie cinétique obtenue est compatibles avec l'étude de la fission.

Etude des noyaux lourds : de la mesure de masse à la spectroscopie des américium et mise en service du double piège de Penning PIPERADE

Le noyau atomique est un objet complexe dont l’étude reste particulièrement active plus d’un siècle après la découverte de son existence. Parmi les nombreuses questions encore ouvertes, celle des limites d’existence du noyau demeure centrale : quels sont les nombres de protons et de neutrons permettant la formation d’un noyau lié ? Cette question peut être abordée à l’aide de mesures de masses permettant d’accéder à l’énergie de liaison du noyau, une de ses propriétés les plus fondamentales. L’objectif de cette thèse est, d’une part, de réaliser une mesure de masse de haute précision des isotopes 234-238Am (Z = 95) à l’Université de Jyväsklyä, en Finlande (expérience prévue en 2026), et d’autre part de participer à l’installation et à la mise en service du double piège de Penning PIPERADE (PIèges de PEnning pour les RAdionucléides à DESIR) au GANIL à Caen. Les noyaux d’américium qui seront étudiés lors de cette thèse sont à la frontière entre deux régions présentant un intérêt particulier : la région de déformation octupolaire (noyaux en forme de poire) et la région des isomères de fission (états méta-stables du noyaux se désintégrant par fission), et la mesure de leur masse permettra de mieux comprendre les propriétés de ces noyaux exotiques. PIPERADE, quant à lui, est un dispositif permettant de réaliser des mesures de masses de haute précision. Aujourd’hui en phase de caractérisation à Bordeaux, son installation à GANIL (prévue en 2027) permettra d’étudier une large gamme de noyaux exotiques via la mesure de leur masse, mais aussi en utilisant des techniques de séparation permettant de purifier les faisceaux radioactifs avant de les envoyer à d’autres dispositifs expérimentaux.

ETUDE DES PROPRIETES COLLECTIVES NUCLEAIRES DU 232Th AVEC LE SPECTROMETRE AGATA

L'étude des noyaux atomiques dits « déformés » avec une distribution de charge non sphérique est essentielle pour tester les interactions nucléaires et les modèles de structure. Ces noyaux déformés présentent un schéma très particulier d'états excités, connus sous le nom de « bandes rotationnelles ». Ces bandes peuvent être construites sur des états avec une déformation différente ou une structure intrinsèque différente (coexistence de formes). Le sujet de la thèse porte sur l'étude expérimentale des propriétés macroscopiques et microscopiques du noyau du 232Th. Ce noyau présente une grande variété de bandes rotationnelles qui seraient dues aux vibrations de la surface nucléaire dit quadripolaire (oscillations entre les formes allongées et aplaties) et octupolaire (oscillations entre la forme sphérique et la forme de poire). Ces derniers ont notamment suscité beaucoup d'intérêt récemment, car les noyaux déformés octupolaires peuvent être utilisés pour déterminer le moment dipolaire électrique des noyaux, une question fondamentale en physique en général. Dans notre cas particulier il s'agit de caractériser pour la premier fois sur tous les noyaux le quadruplet des bandes octupolaires attendue dans un noyau fortement déformé. Par ailleurs, ce noyau est aussi le seul example qui montre une bande rotationnel bâti sur une double-vibration quadripolaire.

Nous étudierons ces formes variées en utilisant la puissante technique d'excitation coulombienne, qui est la méthode la plus directe pour déterminer la forme des noyaux dans leurs états excités. L'expérience sera réalisée à l'aide d'AGATA, un spectromètre gamma de nouvelle génération, constitué d'un grand nombre de cristaux de germanium finement segmentés, qui permet d'identifier chaque point d'interaction d'un rayon gamma a l’intérieur du détecteur puis, à l'aide du concept innovant du «gamma-ray tracking », permet de reconstruire les énergies de tous les rayons gamma émis et leurs angles d'émission avec une précision sans précédent. Une experience complémentaire sera réalisé au laboratoire d'ions lourds (HIL) Varsovie ce qui permettra de mieux interpréter les données très complexe fourni par AGATA.

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