Etude systématique des réactions de diffusion des neutrons sur les matériaux de structure d'intérêt pour les applications électronucléaires

Les réactions de diffusion élastique et inélastique sur les matériaux de structure ont un impact non négligeable sur la simulation du transport des neutrons dans ces matériaux. Les données nucléaires des matériaux de structure d’intérêt pour les réacteurs nucléaires et les études de criticité doivent être connues avec une bonne précision sur un large domaine en énergie du neutron incident, allant de quelques dizaines de meV à plusieurs MeV. Or, la méconnaissance de ces réactions empêche d’atteindre la précision souhaitée. Cette proposition de thèse vise à mener une étude systématique des réactions de diffusion au-delà du domaine des résonances résolues jusqu’à 5 MeV, domaine dans lequel ni le formalisme de la Matrice-R ni le modèle statistique Hauser-Feshbach ne sont applicables pour les matériaux de structure. L’absence de modèle nucléaire utilisable nécessite la mise en place d’un nouveau formalisme alimenté par des mesures à haute résolution des distributions angulaires associées aux réactions de diffusion. Ce travail portera plus précisément sur des mesures déjà réalisées (sodium [1], fer [2]) et sera étendu à d’autres éléments étudiés dans le cadre du projet international INDEN de l’AIEA, tels que le cuivre, chrome et nickel. Pour cela, La base de données expérimentales disponible sera complétée dans le cadre de cette thèse par de nouvelles mesures sur les isotopes du cuivre (Cu63 et Cu65). Les mesures seront réalisées au JRC Geel avec le multi-détecteur ELISA. Concernant le cuivre, les benchmarks intégraux de la base de criticité ICSBEP ont révélés plusieurs lacunes dans les bibliothèques JEFF de données nucléaires évaluées qui questionnent indirectement la connaissance des données nucléaires de l’U235. Par exemple, les benchmarks ZEUS, utilisés pour étudier la section efficace de capture de l’U235 dans le domaine en énergie des neutrons rapides, sont très sensibles aux données nucléaires du réflecteur en cuivre. Ce type de benchmark permettra de quantifier l’impact du nouveau formalisme d’évaluation des données nucléaires des matériaux de structure.

Cette étude permettra au candidat d'acquérir des compétences en physique nucléaire expérimentale et théorique, ainsi qu’en physique neutronique. Les résultats obtenus seront valorisés auprès du groupe de travail JEFF de L'Agence pour l'Energie Nucléaire (OCDE/AEN).

[1] P. Archier, Contribution à l’amélioration des données nucléaires neutroniques du sodium pour le calcul des réacteurs de génération IV, Thèse, Université de Grenoble, 2011.
[2] G. Gkatis, Study of neutron induced reaction cross sections on Fe isotopes at the GELINA facility relevant to reactor applications, Thèse, Université Aix-Marseille, 2024.

Modélisation de la polarisation de charges nucléaires des fragments de fission pour l’évaluation des rendements de fission : applications aux noyaux d’intérêt pour le cycle du combustible

La thématique des données nucléaires est centrale pour les applications de l’énergie nucléaire, constituant le pont entre les propriétés « microscopiques » des noyaux et les valeurs clés « macroscopiques » utiles aux calculs de physique des réacteurs et du cycle. Le Laboratoire d’études de Physique de l’institut IRESNE du CEA Cadarache est engagé dans l’évaluation de ces données nucléaires dans le cadre d’un programme développé au sein du groupe JEFF (animé par l’Agence de l’Energie Nucléaire) et d’un Coordinated Research Project de l’AIEA. Le développement récent d’une nouvelle méthodologie d’évaluation des rendements de fission (taux de production des produits de fission après l’émission des neutrons prompts) induite par neutrons thermiques a permis d’améliorer les précisions des évaluations proposées pour la bibliothèque JEFF-4.0 en fournissant leur matrice de covariances. Pour étendre les évaluations de rendements de fission induites par neutrons thermiques au spectre des neutrons rapides, il est nécessaire de développer un couplage des outils d’évaluation actuels avec des modèles de rendements de fission avant émission des neutrons prompts. Ce couplage est indispensable pour extrapoler les études déjà réalisées sur la fission thermique de l’235U et du 239Pu aux noyaux moins connus expérimentalement (241Pu, 241Am, 245Cm) ou étudier la dépendance de ces rendements avec l’énergie cinétique des neutrons incidents. Une des composantes essentielles manquantes est la description de la distribution en charge nucléaire (Z) en fonction de la masse des fragments de fission et de l’énergie du neutron incident. Ces distributions sont caractérisées par un paramètre clé : la polarisation de charge. Cette polarisation traduit un excès (respectivement défaut) de proton dans le pic des fragments légers (respectivement lourds) par rapport à la densité de charges moyenne du noyau fissionnant. Si cette quantité a été mesurée pour la réaction 235U(nth,f), elle est lacunaire pour d’autres énergies de neutrons ou d’autres systèmes fissionnants. Les perspectives de ce sujet portent autant sur l’impact de ces nouvelles évaluations sur les grandeurs-clés pour les applications électronucléaires qu’à la validation des mécanismes de fission décrit par les modèles microscopiques de fission.

Construction d'interactions en théorie effective des champs pour la physique nucléaire théorique

La capacité d'un modèle du noyau à donner une description prédictive des phénomènes nucléaires (que ce soit dans un but théorique ou dans l’optique de produire des données nucléaires pour les applications) est conditionnée par la possibilité de construire un cadre théorique systématiquement améliorable, avec des approximations contrôlées et une estimation des incertitudes et biais associés. C'est l'objectif des méthodes dites ab initio, qui reposent sur deux étapes :
1 - La construction d'une interaction inter-nucléons compatible avec la théorie sous-jacente (la chromodynamique quantique) et ajustée dans les noyaux légers, suivant la théorie effective des champs (EFT).
2 - La résolution du problème nucléaire à A corps à une précision donnée (pour la structure ou les réactions) pour faire des prédictions pour tous les noyaux d'intérêt. La spécificité des méthodes ab initio permet et appelle à une propagation des incertitudes provenant de l'interaction jusqu'aux prédictions pour les données nucléaires.

Cette thèse s’inscrit principalement dans la 1ère étape. L'objectif de la thèse est de construire une famille d'interactions ab initio en développant une nouvelle procédure d'ajustement des paramètres de la théorie, appelés constantes de basse énergie (LECs), sur les données expérimentales disponibles (en incluant le calcul de covariances pour des analyses de sensitivité). L'ajustement se fera sur des données de structure mais aussi de réaction dans les noyaux légers. Ceci ouvrira en outre la porte à une nouvelle évaluation des sections p + n -> d + gamma (qui ont de larges incertitudes et sont néanmoins importantes pour les applications de neutronique) dans le cadre moderne des théories effectives de champs.

La thèse est en collaboration entre le CEA/IRESNE Cadarache et l'IJCLab d'Orsay, et sera partagée entre les deux instituts (18 mois au CEA/IRESNE, puis 18 mois à l'IJCLab). Les débouchés de la thèse incluent la recherche et les labos de R&D en physique nucléaire.

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