Développement de spectres Raman théoriques avec application aux minéraux de la surface de Mars
À mesure que nous repoussons les frontières de l’exploration spatiale avec de nouvelles missions vers les planètes voisines, il devient essentiel d’améliorer nos outils d’investigation. Les rovers martiens ont révélé une minéralogie de surface sans équivalent sur Terre, façonnée par une ancienne hydrosphère suivie d’un long épisode de conditions froides et arides. Il a été montré que se sont formés des perchlorates ou des phases vitreuses mixtes silicates-sels — des minéraux difficiles à synthétiser et à stabiliser sur Terre, mais qui demeurent étonnamment stables sur Mars. Les données récentes de spectrométrie Raman confirment leur présence et ouvrent la voie à des recherches approfondies. Comprendre ces minéraux pourrait offrir de nouvelles perspectives sur la chimie martienne et l’évolution planétaire.
Nous cherchons ici à calculer les spectres Raman théoriques des perchlorates et d’autres minéraux martiens à l’aide de la théorie de la perturbation de la fonctionnelle de la densité (DFPT), telle qu’elle est implémentée dans le logiciel ABINIT. L’objectif est d’obtenir non seulement la position et l’intensité des pics, mais aussi et surtout leur largeur. Ces données sont nécessaires pour distinguer correctement des spectres similaires et pour estimer, par intégration, l’intensité réelle des pics, directement comparable aux valeurs expérimentales mesurées sur le terrain. Cela permet d’identifier les pics représentatifs utilisables pour la reconnaissance des minéraux et d’analyser les modes de déplacement associés aux vibrations. Les résultats de nos simulations seront comparés et interprétés à la lumière des mesures effectuées par les rovers actuellement présents à la surface de Mars.
Pour cela, nous devons implémenter plusieurs dérivées d’ordre trois et quatre de l’énergie. Cette implémentation prendra la forme d’une série de termes DFPT, où les perturbations pourront être des déplacements atomiques ou des champs électriques. Nous utiliserons une combinaison du théorème du (2n+1) et de différences finies. Le tout sera réalisé dans le cadre de l’approche "Projector Augmented-Wave" (PAW) en DFT. L’ensemble du développement sera intégré dans le logiciel ABINIT et mis à la disposition de toute la communauté. ABINIT (www.abinit.org) est un projet collaboratif international à grande visibilité, dédié aux simulations ab initio basées sur la DFT et la DFPT. Les spectres calculés seront mis à disposition de la communauté via la base de données WURM.
Le candidat retenu sera co-encadré entre les groupes de l’IPGP (Paris) et du CEA (Bruyères-le-Châtel, au sud de Paris). L’IPGP est un institut de recherche en géosciences de renommée mondiale, fondé en 1921, associé au CNRS, composante de l’Université Paris Cité, et employant plus de 500 personnes. Le groupe dirigé par Razvan Caracas est très actif dans la minéralogie computationnelle, l’étude de la matière dans des conditions extrêmes et la planétologie. Le groupe de simulation quantique de la matière du CEA Bruyères-le-Châtel, coordonné par Marc Torrent, est l’un des principaux groupe de développement du logiciel ABINIT, et particulièrement actif dans la théorie de la fonctionnelle de la densité, l’approche PAW et le calcul haute performance.
Couplage physico-chimique entre une population de bulles et l’oxydo-reduction d’un liquide formateur de verre
Le procédé de calcination-vitrification est la solution utilisée en France depuis plus de 30 ans pour le conditionnement des déchets nucléaires de haute activité issus du retraitement des combustibles usés. Au cours du procédé de vitrification, les déchets sont incorporés dans une fonte verrière borosilicatée à plus de 1000°C. La fonte est homogénéisée en température et composition par agitation et bullage de gaz. L’incorporation des déchets dans la fonte peut également conduire à des dégagements gazeux, dont ceux d’oxygène issus de réactions d’oxydo-réduction entre espèces dissoutes dans le liquide. Il est important de bien maîtriser l’impact de ces gaz sur le verre et le procédé.
L’état d’oxydo-réduction de la fonte à l’équilibre entre les espèces dissoutes a fait l’objet de différentes études au CEA dans le cadre la vitrification des déchets nucléaires. En revanche, peu d’études ont été consacrées à la cinétique de réaction des gaz dans la fonte. L’objectif de cette thèse vise à étudier et à modéliser l’impact des bulles de gaz, quelle que soit leur nature, sur le redox de la fonte et la cinétique des réactions associées. Une approche couplant l’expérimentation et la modélisation numérique sera adoptée.
Le candidat recherché aura un goût pour l’expérimentation, la caractérisation et l’interprétation de résultats abordant différents domaines scientifiques (physico-chimie des matériaux, électrochimie). L’ensemble des expériences seront conduites sur des éléments non radioactifs et impliqueront un traitement par modélisation numérique. Cette thèse lui permettra d'acquérir une expérience professionnelle valorisable dans le milieu des verres et du nucléaire.
Forme exotique du noyau : spectroscopie d'actinides déficients en neutrons avec le détecteur SEASON
La question de la limite de stabilité des noyaux, tant en terme d'asymétrie protons/neutrons qu'en terme de masse, est une question importante de la physique nucléaire moderne. Dans la région des noyaux lourds, les actinides déficients en neutrons présentent un intérêt particulier. En effet, de fortes déformations octupolaires, donnant au noyau une forme de poire, sont prédites et ont même été déjà observées dans certains noyaux. Ces déformations semblent jouer un rôle important sur la stabilité des noyaux, sur les modes de désintégration accessibles, voire sur des effets liés à la physique au-delà du modèle standard. L'objectif de cette thèse est de continuer l'étude systématique de ces déformations en mettant à profit le tout nouveau détecteur SEASON, dont la première expérience aura lieu en février 2026 à l'université de Jyväskylä en Finlande. La thèse sera principalement centrée sur l'analyse des données d'une expérience qui fera partie de la campagne réalisée à l'été 2026 à Jyväskylä. Plusieurs expériences sont envisagées en utilisant des réactions de fusion-évaporation avec différents couples faisceau/cible. Les actinides ainsi produits seront envoyés dans le détecteur SEASON où leur spectroscopie de décroissance aura lieu. En fonction de l'évolution des plannings, une autre campagne de mesures pourra être envisagée au cours de l'année 2027. Le retour de l'instrument en France pour être installé auprès du spectromètre S3 à GANIL (Caen) pourrait également avoir lieu au cours de la thèse.
La thèse pourra être codirigée avec l'Université de Jyväskylä.
Exploitation des données LEP pour la fragmentation : Une analyse orientée TMD des paires pi+pi- dans les collisions e+e-
La mesure des hadrons produits dans les collisions révèle le mécanisme de fragmentation, où les quarks et les gluons forment des hadrons détectables. Les Fonctions de Fragmentation (FF) décrivent la probabilité de ce processus, mais elles ne sont pas calculables théoriquement. Elles doivent donc être extraites expérimentalement en ajustant des modèles aux données.
Les FF dépendantes du moment transverse (TMDFF) décrivent plus précisément l'impulsion transverse des hadrons produits. Pour les mesurer, une réaction idéale est la production de paires de pions de charges opposées (pi+pi-) dans les collisions électron-positron (e+e-). Étonnamment, aucune mesure de ce type n'a encore été réalisée, ni par les anciennes expériences comme LEP, ni par les actuelles comme Belle.
Ce projet propose d'exploiter l'initiative OpenData du CERN pour analyser les données archivées de l'expérience LEP (DELPHI ou ALEPH). L'objectif est d'y mesurer le taux de production des paires pi+pi- en fonction de leur moment transverse.
La première étape consiste à maîtriser l'accès à ces données historiques et leurs logiciels parfois obsolètes. Ensuite, il faudra extraire les distributions physiques clés, comme les distributions angulaires. La troisième étape est de simuler ces mêmes collisions avec un générateur comme Pythia pour comparer et interpréter les données. L'analyse identifiera ensuite les observables les plus sensibles aux TMDFF via des simulations.
Le résultat sera intégré à une analyse globale de données, devenant la première à inclure des données e+e-, pour une extraction bien plus précise des TMDFF. Cela permettra de repousser les frontières de notre connaissance des mécanismes non-perturbatifs de la fragmentation des partons.
RECHERCHE DE LA DÉSINTÉGRATION NUCLÉAIRE EN DEUX PHOTONS
La désintégration nucléaire à deux photons, ou double-gamma, est un mode de désintégration très rare dans les noyaux atomiques, par lequel un noyau dans un état excité émet deux rayons gamma simultanément. Ce processus électromagnétique de deuxième ordre, bien connu en physique atomique, n'a été que peu étudié pour le noyau atomique en raison des effets de premier ordre largement prédominants. Les noyaux pairs avec un premier état excité 0+ sont des cas favorables à la recherche d'une branche de désintégration double-gamma, puisque l'émission d'un seul rayon gamma est strictement interdite pour les transitions 0+ to 0+ en raison de la conservation du moment angulaire. La désintégration double-gamma reste encore une branche de désintégration très petite (<1E-4) en compétition avec les modes de désintégration dominants (de premier ordre) des électrons de conversion interne atomique (ICE) ou de la création de paires internes positron-électron (e+-e-) (IPC).
Le projet de thèse comporte deux parties expérimentales distinctes: Premièrement, nous stockons des ions nus (entièrement épluchés) dans leur état excité 0+ dans l'anneau de stockage d'ions lourds (ESR) au GSI pour rechercher la désintégration double-gamma dans plusieurs nucléides. Pour les atomes neutres, l'état excité 0+ est un état isomérique à durée de vie plutôt courte, de l'ordre de quelques dizaines à quelques centaines de nanosecondes. Cependant, aux énergies relativistes disponibles au GSI, tous les ions sont entièrement épluchés de leurs électrons atomiques et la désintégration par émission ICE n'est donc pas possible. Si l'état d'intérêt est situé en dessous du seuil de création de paires, le processus IPC n'est pas non plus possible. Par conséquent, les noyaux nus sont piégés dans un état isomérique à longue durée de vie, qui ne peut se désintégrer que par émission double-gamma vers l'état fondamental. La désintégration des isomères est identifiée par la spectroscopie de masse Schottky résolue dans le temps. Cette méthode permet de distinguer l'isomère et l'état fondamental par leur temps de révolution (très légèrement) différent dans l'ESR, et d'observer la disparition du pic de l'isomère dans le spectre de masse avec un temps de décroissance caractéristique. Des expériences établissant la désintégration double-gamma dans plusieurs nucléides (72Ge, 98Mo, 98Zr) ont déjà été réalisées avec succès et une nouvelle expérience sur le nucleide 194Pb a été acceptée par le comité de programme du GSI et sa réalisation est planifie en 2027.
La deuxième partie concerne l'observation directe des photons émis à l'aide de la spectroscopie des rayons gamma. Alors que les expériences sur les anneaux de stockage permettent de mesurer la durée de vie partielle de la double désintégration gamma, des informations supplémentaires sur les propriétés nucléaires ne peuvent être obtenues qu'en mesurant les photons eux-mêmes. Une expérience test a été réalisée pour étudier sa faisabilité et les plans d'une étude plus détaillée devraient être élaborés dans le cadre du projet de doctorat.
Méthode de réduction de dimensionalité appliquée à la théorie ab initio à N corps "coupled cluster" déformée
La description théorique des premiers principes, i.e. de manière dite ab initio, des noyaux atomiques contenant plus de 12 nucléons n’est devenue possible que récemment grâce aux développements cruciaux de la théorie à N corps et à la disponibilité d’ordinateurs hautes performances de plus en plus puissants. Ces techniques ab initio sont appliquées avec succès pour étudier la structure des noyaux, en partant des isotopes les plus légers et pour atteindre aujourd’hui tous les noyaux de masse moyenne contenant jusqu’à environ 80 nucléons. L’extension à des systèmes encore plus lourds nécessite des avancées décisives du point de vue du cout de stockage et du temps de calcul induits par les méthodes à N corps disponibles. Dans ce contexte, l’objectif de la thèse est de développer la méthode de réduction de dimensionalité fondée sur la factorisation des tenseurs mis en jeu dans le cadre de la théorie à N corps non perturbative dite de coupled cluster déformée (dCC). Le travail proposé exploitera les dernières avancées en théorie nucléaire, y compris l’utilisation des potentiels nucléaires issus de la théorie effective des champs chirale et des techniques du groupe de renormalisation, ainsi que des ressources et des codes de calcul haute performance.
Supraconducteurs triplets : du couplage spin-orbite faible au couplage spin-orbite fort
Depuis les années 1980, plusieurs supraconducteurs non conventionnels ont été découverts, certains présentant un appariement triplet (spin total S=1) pouvant donner lieu à des propriétés topologiques intéressantes. Contrairement aux supraconducteurs singulets, leur paramètre d’ordre est un vecteur dépendant des composantes du spin (S_z=-1,0,1) et est fortement influencé par la symétrie cristalline et le couplage spin-orbite (SO).
La thèse vise à étudier la transition entre faible et fort couplage spin-orbite dans un supraconducteur triplet, en s’appuyant sur un modèle multibande minimal inspiré du matériau CdRh2As3, où une phase triplet induite par champ a été récemment observée. Cette recherche permettra de calculer la susceptibilité dynamique de spin et d’identifier d’éventuelles résonances de spin collectives, analogues à celles du superfluide He3.
Le travail reposera principalement sur des outils analytiques de théorie des champs appliqués à la matière condensée. Le projet s’adresse à des candidats ayant une solide formation en mécanique quantique, physique statistique et physique du solide.
Effets de Friction couplés de la mer de Dirac et du champ électromagnétique du vide sur des atomes en mouvement
Les fluctuations quantiques induisent des forces macroscopiques conservatrices telles que l'effet Casimir. Elles pourraient également provoquer des forces dissipatives, appelées friction du vide (ou friction quantique). Jusqu'à présent, cet effet de friction a été calculé en considérant uniquement les fluctuations électromagnétiques, c'est-à-dire sans tenir compte de la mer de Dirac. Ce projet est consacré à l'extension de nos recherches dans cette direction : les électrons, en tant que principaux contributeurs de l'interaction matière-champ, interagissent également avec les paires virtuelles électron-positron dans le vide quantique. Quelle part de la friction quantique, à température nulle ou finie du vide, pourrait être due à ce type d'interaction ? Une première étape consistera à adapter le cadre semi-classique actuel pour inclure la polarisation du vide et la création de paires. Ce faisant, on rencontrera des cut-offs de fréquence haute finie, traditionnellement liées à la création de paires virtuelles ; on déterminera ainsi une composante de friction liée au cut-off des intégrales de Fourier. Sur cette voie de recherche, on veillera à maintenir la cohérence mathématique de l'ensemble du cadre. Un objectif à plus long terme reste un traitement relativiste quantique complet et cohérent de la friction quantique au niveau atomique.