L’oxyde d’uranium (UO2) est le combustible usuel des centrales nucléaires à fission. A ce titre son comportement sous irradiation est très étudié. L’irradiation crée des défauts lacunaires ou interstitiels qui vont piloter l’évolution de la microstructure du matériau qui elle-même va impacter ses propriétés physiques (par exemple sa conductivité thermique) et mécaniques. Les agrégats d’interstitiels en particulier jouent un rôle prépondérant.
D’une part, aux plus petites tailles, la diffusion des interstitiels dans UO2 est encore assez mal comprise. En effet, expérimentalement, on observe l’apparition de boucles de dislocations constituées d’interstitiels de tailles pouvant atteindre la dizaine de nanomètres. A l’inverse on n’observe pas de cavités et les défauts lacunaires restent de tailles subnanométriques. Cela dénote une diffusion plus rapide des interstitiels que des lacunes, la diffusion permettant l’agglomération des interstitiels et la formation de boucles. Pourtant les calculs à l’échelle atomique ne montrent pas de différence majeure entre les coefficients de diffusion des lacunes et des interstitiels dans UO2. Une hypothèse pour expliquer cette contradiction apparente est que ce seraient les agrégats d’interstitiels qui diffuseraient rapidement (Garmon, Liu et al. 2023).
D’autre part, on s’attend à ce que les agrégats d’interstitiels tridimensionnels soient les germes des boucles de dislocations observées en microscopie électronique à transmission dans l’oxyde d’uranium irradié. Mais les mécanismes de transformations des agrégats en boucles et de changement de nature de boucles restent incompris dans l’oxyde d’uranium. Ces mécanismes ont très récemment été élucidée pour des métaux cubique à face centré (Jourdan, Goryaeva et al. 2024). Il est possible que des mécanismes comparables soient à l’œuvre dans UO2 avec la complication induite par l’existence deux sous-réseaux.
Nous proposons donc d’étudier par simulations à l’échelle atomique les agrégats d’interstitiels dans UO2.
On abordera d’abord la structure de ces agrégats subnanométriques tridimensionnels. Pour ce faire nous utiliserons les outils de classification des structures de défauts par intelligence artificielle mises au point au laboratoire (Goryaeva, Lapointe et al. 2020). On étudiera la diffusion de ces objets, par dynamique moléculaire et par recherche automatique de cols de migration à l’aide d’outils de type kinetic-ART (Béland, Brommer et al. 2011). Dans un deuxième temps, on étudiera la stabilité relative des agrégats 3D et des boucles de dislocations fautées et parfaites et les transformations entre ces différents objets.
Cette étude devra reposer sur des potentiels d’interaction interatomiques. On commencera par utiliser les potentiels empiriques disponibles dans la littérature avant nous tourner vers les potentiels de type Machine Learning (Dubois, Tranchida et al. 2024) en développement au Département d’Etudes du Combustibles du CEA Cadarache.
Béland, L. K., et al. (2011). "Kinetic activation-relaxation technique." Physical Review E 84(4): 046704.
Chartier, A., et al. (2016). "Early stages of irradiation induced dislocations in urania." Applied Physics Letters 109(18).
Dubois, E. T., et al. (2024). "Atomistic simulations of nuclear fuel UO2 with machine learning interatomic potentials." Physical Review Materials 8(2).
Garmon, A., et al. (2023). "Diffusion of small anti-Schottky clusters in UO2." Journal of Nuclear Materials 585: 154630.
Goryaeva, A. M., et al. (2020). "Reinforcing materials modelling by encoding the structures of defects in crystalline solids into distortion scores." Nature Communications 11(1).
Jourdan, T., et al. (2024). "Preferential Nucleation of Dislocation Loops under Stress Explained by A15 Frank-Kasper Nanophases in Aluminum." Physical Review Letters 132(22).